HIV_1er Decembre

Alors, saurez- vous faire le bon choix ?

Le sujet m’est venu en observant une scène banale. Elle concerne deux personnes qui me sont chères, des amis. Un garçon et une fille. Le garçon est séropositif, la fille… séronégative. Non, ils ne sont pas en couple. Oui, ça existe les amitiés mixtes. Ils en sont la preuve vivante.

Le week- end passé, nous l’avons passé tous ensemble

… parce que le garçon avait le blues. Nous, ses amis, nous y attendions plus ou moins. Mais pas avec autant d’acuité. Un texto, bref. Dépourvu d’humour : « Tu me manques ». Notre amie a reçu le même aussi et m’a appelée. Et nous sommes allés passer le week- end avec lui, dans un quartier de la capitale. Juste lui et nous.  ET bien sûr, c’était les fous-rires. C’est d’ailleurs toujours le cas chaque fois qu’on se retrouve, rien que nous, tous les trois. Lui, l’aîné, notre voix de la sagesse ; elle, la benjamine délurée et si pleine de vie tout en étant toujours inquiète pour nous. Et moi, l’éternel surbooké, le gars qui fait mille et une choses en oubliant parfois de vivre. Au programme ? Pas de télévision. A manger (beaucoup !!!), de la musique et l’épice indispensable : les cancans. Kongossa si vous voulez.

ça fait exactement 4 ans que nous savons qu’il est séropositif

Le pavé dans la mare…

A survenu au milieu de nos éclats de rires, samedi, au milieu de nos rires : « Mes gars et Garce ! Un autre 1er décembre. (pause) ça va faire 4 ans !!! », a fait notre ami, l’aîné. Car oui, ça fait exactement 4 ans que nous savons qu’il est séropositif. Lors d’une séance de dépistage que nous avions fait pour rigoler comme ça, vite fait. Et depuis, nous vivons avec. Vous ne saurez jamais la meilleure: notre amitié a failli en prendre un sérieux coup à la lecture de nos résultats. Puis, nous l’avons vu devenir l’ombre de lui- même… Il y a deux ans, il a accepté de nous donner sa version des événements. Et je vous avoue que j’ai eu honte de moi- même. J’en ai pleuré, car oui les hommes ça pleure aussi.

Non, il ne s’est jamais plaint.

La benjamine est celle qui a eu du mal à l’accepter. Mais j’ai senti qu’elle faisait des efforts pour savoir si tout allait bien pour lui. Et puis, ce texto, vendredi dernier. J’ai dû faire le point. Avais- je été aussi présent qu’il le fallait? Non. Avais- je appelé autant de fois qu’avant? Non. Donc il fallait faire quelque chose, car il ne m’en a jamais fait le reproche. Ni à notre amie. Alors le texto…

Nous sommes sortis faire la fête, chacun de nous ayant programmé nos téléphones pour la prise du médicament. 23 heures, maison. On a continué de bavarder. Mais il nous a sorti ce mot: “Merci”, au milieu de nulle part. Nous les plus jeunes, nous nous sommes regardés. On avait complètement oublié de quoi il parlait. “Merci d’être venu. Merci d’être restés amis avec moi. Merci beaucoup” a-t-il repris, en buvant son médoc. Moment de silence pendant qu’il a reposé son verre sur la table.

Elle aussi a bu à la même coupe.

Un ange est passé. Puis la plus jeune s’est elle aussi versée une rasade d’eau dans le verre laissé vide. C’est vrai qu’il faisait chaud. J’ai vu la scène se passer au ralenti. C’est quand elle a fini de boire que tous ont noté mon silence. Et j’ai vu les yeux de mon amie devenir ronds comme des soucoupes. “J’ai bu dans ton verre!” Il nous a regardé à tour de rôle puis a éclaté de rires. On n’en menait pas large. Il s’est levé et est allé chercher un papier dans sa chambre. Il s’agissait de ses analyses: ses CD4 ont augmenté de façon significative Et il a passé le seuil de contagion immédiate car il est classé in détectable, même s’il est porteur du VIH/SIDA. Avec ce ton docte que nous détestons et aimons en même temps, on a eu droit à une énième leçon de sa part. (rires). Grâce aux ARV, le virus ne se développe plus. Non, pas de soucis: à l’air libre, le virus meurt.

Et non, le VIH/SIDA ne se transmet pas parce qu’on a mangé dans le même plat ou bu dans le même verre.

Nous avons douté et regardé sur internet. On a lançé la recherche sur un moteur de recherches. Effectivement, il avait raison. Il en a tellement ri qu’il pleurait. On s’est senti bien bêtes. Quand enfin il s’est calmé, il nous a demandé, le plus sérieusement du monde: “est-ce la raison pour laquelle vous m’évitiez tout ce temps?” Face à notre silence gêné, il nous a dit qu’il comptait bien fêter ses 40 ans d’abord. On allait devoir le supporter jusque là. Le bilan disait aussi qu’il ne souffrait d’aucune autre maladie, en dehors d’une légère anémie “due aux médocs”.

Vous savez quoi? Je ne me suis jamais senti aussi bête: tant de temps perdu. Pour rien. Il était le même et faisait même plus attention que nous. Seulement, c’est la solitude qui ne l’aidait pas. Cette discrimination que nous avions juré ne jamais lui faire subir à cause de nos stupides préjugés. Nous l’avons parmi nous, autant en profiter. Pour quoi l’isoler? Il a le VIH/ SIDA… et alors?

 

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