HUARD_Yaounde

Eglises: une réforme à reculons?

Le mois d’août a vu réaliser le vœu le plus cher de certaines personnes de ces 03 (trois) dernières années : la fermeture en rang très serré des églises dites d’éveil, de réveil et même révélées ; toujours est-il qu’elles sont réformées à des degrés plus ou moins divers. Les populations riveraines de ces églises qui poussent de partout comme des champignons savent ET comprennent certainement pourquoi je suis excédé. Cependant, je me suis posé une série de questions. Primo, qu’est-ce qui justifie leur abondance ? Secundo, qui sont les dirigeants de ces structures religieuses ? Enfin, vu comme les fidèles de ces églises défendent bec et ongle leurs convictions – religieuses-, quel est au fait le profil type d’un dirigeant d’une de ces structures ? Nous avons, au sein de la rédaction, décidé d’en savoir un peu plus sur les « apôtres », “prophètes” et les « docteurs », appellations qui ont tendance à hérisser le poil des puristes

Au Cameroun, les églises réformées sont légions. Quand on parle de légion, visualisez l’armée romaine au plus fort de sa puissance. Sur la quarantaine (44 environ) accréditée par l’Etat camerounais, on en dénombre seulement pour la ville de Yaoundé plus de trois cents (300) aux dénominations des plus variées et des plus exotiques. On a l’impression, à la lecture des plaques et banderoles annonçant leur présence, que le Camerounais ne fait que cela : croire en Dieu, se faire entendre de Dieu, parler de Dieu en tout lieu et en toute circonstance. Il y aurait parmi nous des désespérés qui s’en prennent à notre bonne étoile ? Dieu est là. Les allergiques à l’encens et aux incantations avec arrosages d’eau bénie et jets de sel en ont pour leurs frais : ils sont cernés, entourés, encadrés, combattus et abattus au nom du Tout Puissant. Et c’est l’œuvre de ses envoyés sur terre, les élus. Ce sont eux qui ont « entendu l’appel » à servir le Très Haut. Qu’on se comprenne, c’est de la discrimination, mais c’est ainsi : tout le monde ne peut pas « entendre » la voix divine pour diriger -et exploiter- les ouailles (croyants). Prenons le cas de cet apôtre, grand réformateur : église catholique à la base car baptisé, communié chez l’une des plus vieilles obédiences religieuses du Cameroun (catholicisme) et enfant de chœur… qui a cessé d’être un fervent croyant le jour même de sa communion, dans les années quatre-vingt-dix.

Les raisons de cette perte de foi à travers la pratique, on ne le saura pas. La gêne est palpable chez cet homme mais au moins il reconnaît que la lourdeur de la célébration christique avait fait son effet. 1992 a été l’année du déclic, car il avait été invité à une célébration de culte chez les pentecôtistes par sa sœur. On serait tenté de croire que la nouveauté et les pratiques différentes auront séduit : absence de génuflexions, se signer au Nom de la Sainte Trinité devient aléatoire, la Vierge Marie le restera, mais sera exclue de toute célébration (même si on lui reconnait un statut de Mère du Christ) en dépit d’une recommandation du Pape, des célébrations plus animées et plus vivantes. Pour faire court, cela vivifie et rafraichit une foi qui se perdait dans les méandres flous de la déperdition. C’est ce renouveau de foi qui incite à aller vers Jésus le Christ et Son Père, à en savoir plus. Ce qui est intéressant ici, c’est de constater à quel point il s’est affranchi de l’obédience religieuse de ses parents au moment de l’adolescence de telle sorte qu’en 2002, il est fait pasteur.

Pasteur. C’est tout et n’importe quoi pour le novice. Ce qu’on retient en règle générale, c’est que c’est un dirigeant de l’Eglise. Ce qu’on ne sait pas et c’est là que tout acquiert une saveur nouvelle, c’est que le pasteur qui est nommé apôtre a la capacité de pouvoir implanter de nouvelles églises et de faire ministère comme on dit chez les puristes, tandis que les « Docteurs » n’ont qualité que pour le prêche. En entendant parler l’apôtre en question, un millier de questions nous vient à l’esprit, parmi lesquelles les conditions d’émergence de ces missions apostoliques. Leur apprend-on à crier et à faire de la nuisance sonore ? Il apparait que non. A cet effet, s’ils sont des plus nombreux à appeler ce Divin qui se fait sourd, certains préfèrent jouer la carte de la discrétion : on ne leur apprend pas cela à l’école de théologie située à Etoa- Meki. D’ailleurs, c’est cela qui fait la différence entre les ceux qui ont suivi une formation théologique ou pas. Autant nous demander à nous, simples croyants, de faire la différence entre le statut d’invité (au Repas de Dieu) et celui d’évité. Pas si simple : on reçoit l’appel et on doit le démontrer. Il faut tisser un lien d’empathie avec les fidèles – se montrer suffisamment persuasif pour acquérir un capital-confiance – et faire accroitre le nombre d’ouailles acquis à sa cause. Pour ce faire, ne pas hésiter à se faire intransigeant, voire manipulateur car « un bon leader doit être fanatique » au Nom du Tout Puissant. La question que nous nous sommes posée au final est celle de la légitimité de la religion car si certains la vivent comme attitude envers Autrui, d’autres en profitent pour structurer la pensée des plus crédules. Nous passerons sous silence non seulement les abus mais également l’amertume de ceux qui auraient « ouvert » les yeux. Ce n’est pas le sujet ici, car chacun doit vivre de son labeur. Y compris les hommes de Dieu.

Dès lors, on pourra nous aussi demander comme le Souverain Pontife, « Qui suis-je pour juger » ? Fameuse assertion qui ouvre à bien des égards, une grosse brèche sur un vaste infini d’opportunités. En tout cas, la Fédération des Hommes et Femmes d’ Eglises dites d’Eveil s’est réunie et a tenu assemblée le lundi 24 août 2013 dernier, pour mettre un semblant d’ordre dans les papiers de la profession. A ce rendez-vous, mille responsables d’église ont répondu à l’appel, histoire de faire la chasse à ces pasteurs de basse extraction, sans formation ni loi qui leur font mauvaise presse à tous et normaliser la situation. Tous, sont dans les starting blocks. Nous leur souhaitons par conséquent, bon vent !

 

Comments



There are no comments

Add yours

What moves you?