groupe de jeune

Ils ont la langue bien dure, ces jeunes!

“Edjériè” ! “Nyè dia nan né” ? Traduction : Salut! comment allez-vous ? Ce dialecte qui vous est probablement inconnu est mon patois, le Mbo’o ! (dans le Cameroun, région du Littoral, département du Moungo, arrondissement de Nlonako). Vous vous demandez certainement pourquoi je vous salue en Mbo’o ? Eh bien c’est tout simplement parce que nous, les jeunes d’aujourd’hui, ne savons plus parler nos langues maternelles ! En effet force est de constater que les langues locales disparaissent dans nos sociétés au profit du français, de l’anglais et même du « francanglais » ! Au travers de différentes réponses et explications données par un panel interrogé sur ce phénomène, nous allons essayer d’éclairer nos lanternes en répondant essentiellement à cinq questions.

1-   Que représente pour vous la langue maternelle ?
Le panel interrogé partage à peu près le même avis en disant que la langue maternelle est très importante, car elle représente les traditions, les origines de tout un chacun. Michelle ajoute qu’elle représente ce qu’on appelle en  mathématiques une identité remarquable. Aimery quant à lui pense que la langue maternelle pour lui rime avec ancien temps, car, elle est justement de moins utilisée par la nouvelle génération.

2-   Est-ce important de savoir parler sa langue maternelle ? Pourquoi ?
Oui, cela est très important, confient Michelle, George-Michael, Margot et d’autres. Il faut se démarquer des autres et affirmer sa particularité, son originalité et témoigner de son identité. Savoir d’où l’on vient et la valoriser, c’est très important  et nous permet de ne pas être acculturés. On ne saurait vivre dans la peau d’autres communautés alors que nous avons notre propre culture dont il faudrait être fier. Lionel pense que la langue vernaculaire est importante pour certains juste parce qu’elle leur sert de “code d’exclusion”, car ils peuvent à cet effet “parler au nez de quelqu’un sans qu’il ne puisse comprendre”.  Il ajoute en outre qu’elle est juste un  outil de communication pour le cas où l’on se retrouve dans une région où l’on ne parle que ce dialecte, et qu’il faut donc à tout prix communiquer ! Son importance s’arrête là ! Pour lui les gens devraient éviter de la ramener dans les lieux de travail, les écoles, etc.

3-   Au fait, savez-vous parler votre langue maternelle ?
OUI, affirment Michelle, Irma, Armelle, Stéphane, etc. tous ont commencé à l’apprendre dès leur tendre enfance, grâce leurs différents séjours aux villages, en étant en contact avec les grands parents et en les parlant dans leurs foyers respectifs.

“UN PEU” laissent entendre plusieurs personnes. Sandra déclare avoir oublié comment le parler. En effet, elle l’aurait apprise étant enfant avec sa grand-mère, mais faute de continuité dans l’apprentissage elle a régressé au stade de la simple compréhension ! Jennifer affirme très bien comprendre sans plus, car il fallait absolument qu’elle « YA » (comprendre) le kongossa des « darons » (parents). Alexandre lui dit ne comprendre sa langue que grâce aux ordres et aux insultes de ses parents !

C’est un NON très retentissant que me livrent le Priscille, Lionel, Nelson, George et le reste du panel. Ils disent ne pas la parler parce qu’ils n’en ont pas eu l’occasion, parce que c’est le français et/ou l’anglais que l’on utilise dans leurs maisons.

4-   Pourquoi à votre avis les jeunes d’aujourd’hui parlent moins que ceux d’avant ?
TOUTES les personnes interrogées accablent avant tout les PARENTS ! En effet ils sont ceux qui devraient inculquer dès le bas âge la notion de langue vernaculaire. C’est donc un faute d’inattention et un manque de rigueur de leur part. Ils motivent et parlent de moins en moins avec les enfants, confie Michelle d’un air désolé. George-Michael confie qu’un enfant qui grandit dans un environnement dénué de toute forme de culture maternelle et remplit sa tête d’une culture aliène devient une personne volatile, coincée entre deux cultures. Il devient influencé et non cultivé et se retrouve avec aucun sens de sa personne. Priscille et Lionel pensent que les jeunes parlent moins simplement parce qu’ils n’y trouvent pas d’intérêt(s) à le faire.

5-    Quelles solutions pour ces jeunes qui ne savent pas parler ?
Tous s’accordent à dire qu’il faudrait manifester avant tout une grande envie de vouloir la parler, et faire preuve de patience et de persévérance. Et que cela ne soit pas une nécessité, ajoute Michelle. Dans cette optique, plusieurs solutions s’offrent à eux :

Se rapprocher de ceux qui savent parler et qui aient la volonté d’apprendre.

Aller dans les villages et /ou côtoyer  un milieu ou la langue est constamment parlée

S’essayer sans avoir honte. Armand me confiait justement que lorsqu’il essayait de prononcer des phrases, il était sujet aux railleries de sa famille et s’en retrouvait frustré et en manque de confiance.

Fréquenter des lieux où l’on apprend la langue : Foyers Bandjoun pour le bamiléké, Eglise Evangélique du Cameroun (Briqueterie 1) pour le douala, Béthel pour le bafia, etc.

Créer des centres d’initiations aux cultures vivantes au Cameroun

Demander aux parents de traduire des mots, des phrases…

Lionel pense qu’il est très difficile d’apprendre sa langue maternelle, car cela se fait dans l’enfance. Armand abonde dans son sens et déclare que les jeunes qui ne savent pas parler de nos jours font partie d’une génération sacrifiée sur ce plan. Nous sommes donc un cas désespéré, car notre esprit est déjà fermé, et on a des problèmes beaucoup plus importants auxquels faire face au quotidien.

Je dois dire que je suis assez d’accord avec Armand en pensant qu’il est trop tard pour la majorité d’entre nous (oui, je ne parle pas ma langue maternelle ! Bon quelque mots, et une compréhension approximative, mais c’est tout !). Pour stopper cette hémorragie, il faudrait tout essayer pour éviter que les générations futures ne tombent dans cet écueil, en leur faisant intégrer le fait qu’être modernes n’est pas synonyme de rejeter sa culture, ses origines et sa langue maternelle ! Notre langue c’est notre richesse, notre patrimoine, ce qui fait de nous des Camerounais à part entière ! Le gouvernement Camerounais fait des efforts dans ce sens en essayant de promouvoir l’apprentissage des langues nationales dans les établissements. Essayons de sauver nos petits frères et nos enfants ! Sur ce, «Ma’a kè ! » «O tongnè nguenpwè ! » ça veut dire Au revoir et à la prochaine ! Je m’essaie un peu non ?!

 

Photo credit: Mbeng Massa

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