Janviose

Les Cigales et les Fourmis.

Et c’est reparti pour un tour avec le plus long et le plus difficile mois de l’année, surtout en ce qui concerne les personnes qui aiment la fête. Janvier. Cinq longues semaines qui ne finissent pas de s’étirer et qui mettent plus d’un sur le carreau. Avant tout, faisons le point.

En décembre, ce sont les fêtes de fin d’année. Deux cas de figure s’imposent à vous, selon que vous soyez en couple ou pas et plus encore si vous êtes du genre à être dans l’air du temps. Le premier cas d’espèce, c’est d’avoir la place du parent. Monsieur, en tant que chef de famille, madame se fera un devoir de vous rappeler de façon plus ou moins subtile, qu’il faut l’argent des fêtes. Et là, on vous souhaite bien du courage car c’est bien connu : ce que femme veut, Dieu y pourvoit. Et ce n’est certainement pas vous qui allez faire la différence. Il faut des vêtements neufs et les jouets des enfants, que ce capricieux Père Noël déposera pour vos chérubins, il faut faire bombance au réveillon du 24 décembre, lors du repas copieux et gouteux du 25 – avec arbre de noël prévu à cet effet – et, lors de la pause jusqu’à la Saint- Sylvestre, faire les courses du 31 décembre ET du premier janvier, pour pas que votre famille ait l’air malheureux. Cet aspect est aussi valable pour les femmes. Le deuxième cas d’espèce, est celui du célibataire fêtard qui se lâche dans la fièvre des fêtes de fin d’année. Seulement, même lui se croit obligé de tenir un certain standing de vie : être vu où il faut au bon moment en prenant des photos qui serviront de témoignage de cette période faste. Alors, comme tout est dans le paraître, tout y passe : la coiffure de sa dulcinée puisqu’il faut « assurer », les factures de restaurants et de snack- bars à payer, le divertissement à outrance comme pour s’étourdir de l’année qui se meurt : Ya-Fê, cette année, a compris le concept et se charge personnellement de vous vider les poches. Concerts, night-clubs, attractions diverses et sorties, tout y passe. Et c’est là que le bât blesse.

Le souci est qu’au mois de décembre, tout augmente. L’inflation est  telle que même nos amis les chauffeurs de taxi, ne veulent pas perdre une miette de cette folie dépensière. On se croirait en plein Eldorado : il faut faire son chiffre d’affaire de l’année et battre de nouveaux records… grâce aux embouteillages. Seulement, cette année, les Camerounais ont bien compris le système : à l’allée, on va à pieds si on n’est pas véhiculé et le retour est une autre affaire. On vous épargne l’insécurité car reconnaissons- le : le gouvernement fournit des efforts notables dans ce sens pour diminuer l’hémorragie financière en mettant les forces de l’ordre à contribution.

Les fêtes de fin d’année passent, et vous trépassez si vous n’y prenez pas garde. Non, nous ne sommes pas des oiseaux de malchance. Mais rassurez- vous, vous n’êtes pas les seuls. Après décembre, arrivent janvier et sa sécheresse. Il fait sec partout : l’harmattan souffle, le soleil tape dur et dru, les maux de poche s’accentuent car on s’est appliqué à « bien vivre » pendant les fêtes. On sent pleinement la note passer, car elle est salée : la janviose est là. Cette absence totale de sous qui vous fait regretter les agréables moments passé le mois d’avant. Finies, les cuites de vin. Finies les agapes (repas dignes de Gargantua) et place à la modestie et l’humilité. Ce qui est curieux, c’est que La Fontaine ne s’y est pas trompé : la similitude entre la fable de « La Cigale et La Fourmi » est telle qu’on aurait l’impression d’entendre sa voix moqueuse nous la raconter. La seule différence ici est bien sûr le climat.

Ce qui est amusant, c’est de voir comment l’après- fête est rude. On « piétonne » assidûment, on est irritable, les rues sont des plus désertes, les embouteillages ne sont qu’un lointain souvenir, les taxi- men vous font la cour et menacent même de vous renverser tellement ils veulent vous porter dans leur voiture alors que vous voulez seulement traverser la route; le prix des denrées alimentaires se négocie longuement et avec toute la férocité dont on est capable car il faut vivre, mieux, survivre. D’ailleurs, si les bayam- sellam s’amusent, le plantain pourri sur place. La janviose, c’est environ 25 jours bien tassés. 25 jours au cours desquels on se promet de ne plus jamais se retrouver aussi dépourvu, dont 15 jours (2 semaines) où on maudit un millier de fois l’imprudence des fêtes et se promet prévoir la prochaine fois (donc dans un an exactement) qu’on ne dépensera plus autant. Mais bon…

Ça ne reste qu’une résolution qui se réalisera peut-être l’année d’après. En attendant, il parait que la janviose rend aussi la mémoire à tous ceux à qui vous devez l’argent. En effet, c’est chaud partout et même nos amis invisibles d’Hysacam se sont rendus aussi visibles que les poubelles qui, elles, ne maigrissaient pas et pour cause : en janvier, les arriérés de salaire n’avaient toujours pas été payés et là… Le slogan de Hysacam « En 2014, je veux ma ville plus propre » tombe comme une crêpe qu’on a mal retournée et s’écrase par terre. Les dirigeants de la salubrité ont senti l’odeur de puanteur arriver et ont du délier bourse et rembourser. C’est chaud partout, on dit ça. Mais de grâce, n’oubliez pas aussi que Janvier est le mois des souhaits de bonne année : ne passez pas en mode « fantôme » pour échapper aux vœux d’une année brillante et tout le tintouin. Nous, les fourmis, prierons pour vous, les cigales : après tout, restons charitables, si ?

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