Imam

Les fils d’Ismaïl

Le Cameroun est un pays laïc. C’est-à-dire que chacun y pratique sa religion dans le strict respect de l’autre. Ce qui explique la multitude jours fériés aussi. Cependant deux obédiences principales se côtoient « dans l’amour et l’allégresse » comme on dit au pays et c’est tant mieux pour nous : la paix n’a pas de prix et le Camerounais est très bien placé pour le savoir. Chrétiens et musulmans semblent s’accorder également dessus. Si la chrétienté a déjà fait ses croisées (et c’est encore à revoir !), l’Islam parait encore dans le monde comme LA grosse menace car nos plus grandes multinationales terroristes sont d’obédience… musulmane. Nous avons rencontré pour vous un musulman qui a son avis bien tranché sur la question.

Nous sommes chez A, à Douala. Intérieur plutôt chic et cosy, on ne se croirait pas chez un érudit religieux, un Imam. Cependant, les lectures qu’on retrouve sur la table basse du salon nous rappellent bien assez la culture islamique : le Coran, des ouvrages sur leurs interprétations et une revue, spécialisée, sur la vie du musulman. En dehors de cela, rien, absolument rien ne rappelle que nous avons en face de nous un responsable religion. Nous attaquons de front, avec la question qui fâche, autour d’un repas à base de soupe de poisson (un délice !!!!) et de riz.

Moshare Magazine : L’islam est très souvent apparenté au terrorisme. Quel est votre avis sur question ? Les musulmans du Cameroun sont-ils peureux ou de mauvais musulmans ?

Imam A. : (sourires) Déjà, la question du terrorisme ose le problème de radicalisme et de non tolérance flagrante. Il faut savoir qu’Allah ne le permet pas, donc il est complètement maladroit, malencontreux et même irrespectueux d’avoir pour mobile la religion quand il s’agit d’assouvir des pulsions purement égoïstes : les Saintes écritures ne le permettent absolument pas. C’est une mauvaise interprétation, à mon sens, teintée d’une mauvaise foi qui dicte ce genre de comportement. Au Cameroun, les musulmans vivent l’Islam.

Moshare Magazine : Certes. Cependant, on remarque que la plupart des dirigeants de ces organismes terroristes sont aussi des dirigeants religieux, des Imams. Ce qui porte à croire qu’ils ont une influence certaine sur leurs ouailles…

Imam A. : La remarque que vous formulez soulève un problème  bien plus profond qu’il en a l’air. Il est question ici de l’aura et de l’ascendance qu’un individu a sur d’autres, de l’usage qu’il  fait de cette influence par rapport à la pratique islamique. Ce n’est pas cela, être Imam. C’est beaucoup plus vaste que cela.

Moshare Magazine : Ah bon ?  C’est quoi, être un Imam ? Dites- nous ce qui vous a poussé à le devenir et quelles sont les satisfactions que vous en tirez personnellement ?

Imam A. : (il éclate de rire avant de répondre) Il faut d’abord savoir que même chez nous les musulmans, il y a des obédiences … (face à notre étonnement, il explique) Il y a les sunnites, les chiites, les tidjanites, etc… Je suis de la Sunna, un sunnite, et je vous expliquerai comment cela se passe chez nous.

Moshare Magazine : C’est surprenant. Pour nous autres chrétiens, nous savons que vous êtes UN et UN SEUL !

Imam A. : En fait, la Sunna propose l’Islam tel qu’il doit être pratiqué et vécu : une relation particulière entre Allah et soi- même, sans intermédiaires entre autres [contrairement aux autres formes, considérées comme des sectes, ndlr]. Alors, pour en revenir la question d’avant et ceci a d’ailleurs un lien avec ce que je vous ai déjà dit, pour être Imam il faut savoir les principes fondamentaux du musulman, tels que prescrits dans le Coran : il faut préserver sa religion donc éviter que l’Islam ne s’éteigne, ensuite préserver sa vie car ainsi on peut louer selon les désirs d’Allah, préserver sa progéniture : pas de fornication, pas de relations contre nature, s’assurer qu’elle suit les règles islamiques ; protéger ses biens car cela fait partie du patrimoine de chaque individu et enfin la dignité qui fait en sorte qu’un individu continue de vivre en paix avec lui-même et les autres. C’est la base. Par ailleurs, savoir prier et faire les raka’at [génuflexions et toute la gymnastique qui tourne autour de l’exécution de la prière. ndlr] tout en évitant ce qui peut rendre toute prière vaine et comment y remédier. Enfin, pour être Imam, je crois qu’il est temps de le souligner, tout est question d’érudition.

Moshare Magazine : Erudition ? Ce qui veut dire qu’en fait, il ne faut pas avoir été dans une école de théologie ou une quelconque école coranique ? On se le demande car le constat que nous avons effectué, montre que les musulmans ne pratiquent pas l’islam, c’est tout un mode vie pour eux. Alors, comment choisir un Imam dans une communauté … d’érudits ?

Imam A. : Tout est fonction de ce que je vous ai cité. Maintenant, il arrive qu’un jeune connaisse beaucoup plus les Saintes Ecritures qu’un vieillard et c’est là que commence la sélection. Si jusque là, il y a toujours concurrence, alors on regarde le statut social : c’est nécessairement un homme, il doit être marié dans les limites imposées par l’Islam (pas plus de quatre femmes), avoir le sens des responsabilités et les enfants qu’il a le prouvent très souvent… C’est la communauté qui décide, démocratiquement

Moshare Magazine : Donc, vous voulez nous faire comprendre qu’il y a des Imams bien plus jeunes que vous et si on lit bien entre les lignes, cela peut aussi expliquer pourquoi on se marie si jeune chez les musulmans…

Imam A. : oui, en effet. En faisant ainsi, l’imam en devenir respecte ses lois. Sans nuire aux autres. Par ailleurs, car je sens que la question arrive, chez les sunnites de ma communauté, il est tenu de travailler. Il doit vivre parmi et faire vivre les siens. Ce qui est bien curieux, je le sais, quand on sait que les autres dirigeants religieux perçoivent un désintéressement en échange des services qu’il propose.

Nous le remercions, pendant qu’il nous passe le plat de dattes, commente l’actualité et enchaine sur les subtilités de la prière chez les musulmans…

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