Mother_Child

Mon fils, tu vivras.

Note du rédacteur en chef: Avoir une Personne Vivant avec le VIH (PVVIH) dans sa famille est très souvent lourd dans la mesure où la maladie déteint en quelque sorte sur la famille, lieu premier d’éducation de tout individu. Vous lirez ici l’appréhension et le vécu de la mère du jeune homme qui a effectué le premier témoignage proposé par la rédaction. Ce qui est remarquable, est l’importance du soutien des proches parents. Une mère s’exprime, de façon incomplète car elle ne conçoit pas enterrer son enfant. Vous, qu’ aurez-vous fait à sa place? Christian comprend alors que le VIH/SIDA affecte même les moeurs et modifie la structure des relations familiales…

J’ai su que mon enfant a chopé une saloperie quand il a commencé à m’éviter. Et puis il y a eu l’appel de cet ami médecin qui m’a anéantie. Mon fils, mon enfant, ma chair, celui que je n’ai pas vu grandir va mourir : il a le SIDA. C’est tellement injuste. Il a tellement de choses à faire, tellement de choses à découvrir et puis pourquoi ne m’en parle-t-il pas ? Qu’ai-je fait pour mériter ça ? Je suis allée voir par moi- même cette copie des résultats.

Mon ami, un médecin chez qui il est allé, me l’a dit et assuré que je n’ai pas à m’inquiéter. Comment a-t-il fait pour avoir cette horreur ? A travers un brouillard, j’ai entendu le médecin me dire que pour le moment, il ne peut pas être mis sous médication. Il n’était pas encore dans la zone rouge (moins de 300, de CD4). Il me fallait être forte, pour lui, pour moi et ses frères. Je suis rentrée chez moi et j’ai pleuré toutes les larmes de mon corps. Pas de soulagement. Je suis repartie chez le médecin avec mon fils. Ce dernier ne pleurait pas mais il était devenu une ombre. Donc, moi j’allais enterrer mon enfant ? Pourquoi ?

J’ai voulu savoir qui lui a transmis ce… cette déficience. Il est resté muet comme une tombe. J’avais naïvement cru que les campagnes publicitaires anti VIH/SIDA l’inciterait à faire attention, à avoir peur des relations sexuelles. Mais non. Qui est celle qui m’a fait ce coup ? Je me suis posée la question longtemps. Je me suis heurté au silence. Je lui ai recommandé de ne rien dire à personne. Cela a été source de négociations, croyez- moi. Je lui ai donc dit de choisir soigneusement à qui il le dirait. Je n’ai jamais su lui imposer quoi que ce soit. C’est une tête brûlée. Pourtant, à chaque fois qu’il a pris la décision d’en parler à ses frères et sœurs, il est venu me demander conseil. Je le retrouvais, mon petit garçon. Il avait peur et enfin, ce n’était plus cet étranger.

La médication est arrivée de façon brutale, à cause d’une grippe qui a dévasté ce qu’il restait de son système immunitaire. De 481, on est tombé à 19 pour mille de taux de CD4. La charge virale avait triplé. J’ai maudit la politique sanitaire de ce pays qui ne fait pas de prise en charge immédiate des personnes infectées. Je me suis intéressée aux avancées concernant cette pandémie qui veut m’enlever mon enfant, mais aussi aux moyens de nous sortir de cette situation périlleuse. Désormais, les querelles sont dérisoires car il doit vivre dans un environnement sain et sans stress. Il ne faut pas qu’il soit triste ou fâché, il faut qu’il rie. Les médecins sont unanimes dessus, cela renforce son système immunitaire, quand il est heureux.

J’ai rusé, j’ai prié pour qu’il revienne à la maison. Il faut me comprendre : c’est malgré tout, quelqu’un de très indépendant donc, je ne pouvais plus brandir le fouet et le ramener à la maison par la peau du cou. Il fallait qu’il soit près de moi, qu’il comprenne que nous sommes là, JE suis là. Nous avons recommencé à aller au culte. Les débuts ont été des plus difficiles, surtout avec les ARV (Anti Rétro Viraux). Il vomissait, avait maigri et passait son temps couché. Je n’oublierai jamais cette nuit où il m’a surprise éveillée, en larmes. Il m’a simplement dit : « Maman, je suis désolé. Je vivrai, ne pleure plus. J’ai besoin que tu me montres que ça va »…

Depuis, je m’y attèle. Il a ses phases de caprices mais il est plus calme. Il a repris ses études. Nos crises d’énervement ne mettent plus long. Je m’assure qu’il ne se sente pas exclu car désormais chaque seconde compte. Je sais qu’il prend beaucoup sur lui mais c’est plus fort que moi : il faut que je le rassure qu’il mange beaucoup de légumes, qu’il prenne des fruits, qu’il se repose (enfin !!!) beaucoup, qu’il ait des objectifs. Chaque petite remontée est spectaculaire et curieusement, depuis, il y a moins de cris à la maison. Même ses frères et sœurs s’arrangent à m’énerver moins.

Je suis allée, en secret, dernièrement me renseigner s’il pourrait faire des enfants sains. On m’a rassuré que oui. Mais il faudrait une surveillance médicale étroite et son accord. Je sais qu’avoir un enfant lui donnerait un nouvel élan mais il est tellement décidé à ne plus donner suite aux relations sexuelles que je crois que je vais laisser ce projet au frais. Pour le moment. Même si je ne suis pas d’accord. Il y a bien quelqu’un qui l’aime en secret. Il reprend du poil de la bête et fourmille à nouveau de projets. On est passé à côté du pire. Je le retrouve peu à peu lui et ses moqueries. Ce matin encore, j’ai réalisé qu’il avait repris des couleurs, malgré cette fatigue qui persiste. Je continue de prier car oui, mon fils, tu vivras.

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