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Violences conjugales : aimer, c’est supporter

«  C’est encore visible de ce coté. Tu pourrais en rajouter, s’il te plait ?

– J’y ai pensé Sandra, mais si je le fais ça n’aura plus l’air naturel.

– Je m’en fous. Tout ce que je veux c’est que cette tache disparaisse. »

Je considère mon amie quelques secondes avant de me diriger vers elle, pinceau en main. A l’aide d’un miroir, Sandrine l’air inquiet examine attentivement son visage. Elle doit se demander quelle excuse crédible, elle pourrait servir à ses collègues ce matin. Celles de la glissade dans la baignoire et de la chute dans les escaliers sont épuisées depuis longtemps.

«Je ne sais vraiment pas ce que je deviendrais sans toi. Merci d’être venue aussi vite, reprend-  elle alors que j’applique du fond de teint autour de sa paupière enflée.

– Garde tes flatteries pour toi Sandra. Je t’ai posé une question la dernière fois et tu n’y as toujours pas répondu : quand est ce que tu comptes mettre fin à cette relation ? ».

Voila c’est dit. Elle me jette un regard noir. La dernière fois que j’ai essayé d’aborder le sujet, mon amie et moi avons failli en venir aux mains. Mais j’estime que mon devoir est de lui dire la vérité, aussi douloureuse fut-elle (ou soit-elle ?help).

Sandrine est une belle jeune femme au teint d’ébène ; elle a obtenu sa licence en sciences économiques à l’université de Yaoundé II il y a deux ans et travaille depuis 8 mois dans un établissement de micro-finances comme guichetière. Hervé, son fiancé  et manager l’abuse physiquement depuis près de trois mois maintenant. Je ne le connais pas personnellement, mais d’après ce que Sandrine m’a raconté, ils sont ensemble depuis  un an et c’est grâce à lui qu’elle a trouvé cet emploi. Pourrait-elle le quitter si elle en avait envie ? Oui. Mais Sandrine le dit à qui veut l’entendre, Hervé la « gère » bien financièrement et sexuellement ; la vie de couple c’est pour le meilleur et le pire, la bastonnade fait partie du pire.

« Ma chère, rétorque mon amie en m’arrachant le pinceau des mains, si tu es venue ici pour me faire la morale comme la dernière fois, je préfère te prévenir : je n’ai pas le temps. Je vais me répéter pour la dernière fois : j’aime Hervé et je sais qu’il m’aime. Tes railleries n’y changeront rien. J’ai trouvé l’homme de ma vie et personne ne nous séparera. Et puis qu’est ce qu’il y a même ?! Si mon fiancé trouve que je dépasse les bornes, il a bien le droit de me corriger, non ? Oui il me bat, mais il le fait pour mon bien ! Quand il me gifle c’est ta joue qui chauffe ?! ».

Vous l’avez compris, Sandra est une victime consentante. Les statistiques concernant les violences faites aux femmes sont effroyables. Selon des chiffres récents, en Afrique du Sud plus de 70% des  femmes sont abusées physiquement et/ou sexuellement par leur conjoint. Une étude de ONU Femmes (UNWomen) révèle que cela est aussi le cas pour 35% de femmes dans le monde. Qu’en est-il donc de celles qui ont la possibilité de s’en sortir mais décident de rester dans de telles relations au nom de l’amour, de l’argent ou du sexe? Les femmes comme Sandrine devraient-elles aussi être considérées comme des victimes ?

C’est peut être la dernière fois que je lui parle. Qui sait quelle sera l’ampleur des « dégâts » la prochaine fois ? Des cotes fêlées ? Une jambe fracturée? Sa vie ? Je décide de tenter le tout pour le tout :

« Il faut que tu trouves le courage de partir, ma chérie il est encore temps. S’il devient agressif, il y a la police, il y a des organismes auxquels tu peux demander de l’aide. Sandra, c’est la deuxième fois en un mois que je dois jouer les maquilleuses et vu l’occasion, ca ne m’enchante pas. Tu es belle et intelligente, tu n’as pas besoin de lui pour t’en sortir et crois-moi…

– Tu peux continuer à attendre ton prince sur son cheval blanc, coupe-t-elle en me toisant, mais sans vouloir te vexer une célibataire endurcie comme toi ne comprendra jamais les besoins et choix d’une femme mariée. »

Femme mariée ? Chers lecteurs, aurais-je raté un épisode ? Je ravale la réplique acerbe que j’ai sur la langue. Son futur époux veut  s’arranger pour que la mort les sépare avant même de lui avoir passé la bague au doigt et elle me parle de mariage ? C’est bon, j’abandonne…

Au moins, j’aurais essayé de lui faire entendre raison, me dis-je en rangeant mes affaires dans mon sac à main. Peut-être qu’en effet je n’ai encore rien compris à la vie de couple, peut-être que j’exagère, mais je suis de celles qui pensent qu’un homme qui aime sa femme ne la bat pas au point de la défigurer. D’ailleurs, il ne la bat pas tout court.

Sandrine qui jusqu’ici m’observait en silence, m’interpelle lorsque j’ouvre la  porte et me confie avant que je ne sorte :

« Les Africains ont leur manière d’aimer, et l’homme Camerounais ne déroge pas à la règle. Nos mères sont passées par là sans broncher et elles le disent toutes : aimer c’est supporter. Tôt ou tard, tu devras t’y faire,  mais comme je l’ai déjà dit, tu ne peux pas comprendre. Pas encore. »

 

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