Yaoundé

Yaoundé, ville touristique? Non, pas du tout.

Le fait que ce « non » catégorique apparaisse dès le début de l’article ne signifie pas que vos commentaires, que j’attends d’ailleurs de lire avec impatience, ne sont pas les bienvenus.

Je tiens à préciser avant de commencer mon argumentaire que :

1- Les idées exprimées dans cet article sont strictement personnelles et ne représentent en aucun cas l’opinion de l’équipe de rédaction de Moshare Magazine.

2-  Le but de cet article n’est pas de remettre en cause la valeur des efforts remarquables du ministère du tourisme et par extension, du gouvernement Camerounais.

Yaoundé, ville à potentiel touristique? Oui. Mais de là à « ville touristique », il y a du chemin à faire. Dans mon article « Cameroonian Tourism. The Sleeping Giant », je rappelais avec fierté que pour la première fois, le Cameroun s’était fait positivement remarquer dans un classement UNWTO* par une hausse annuelle de plus de 35%  en 2012. Mais cela n’implique pas que la capitale de notre cher pays peut désormais prétendre au label de «destination touristique ».

Il y a exactement deux semaines, j’ai interrogé une famille sud-africaine qui avait passé les fêtes de fin d’année au Cameroun, principalement à Yaoundé. Les nombreux points positifs se rapportaient essentiellement à la richesse de la faune et de la flore, la beauté des paysages, la pureté de l’air, l’hospitalité camerounaise et surtout, notre délectable gastronomie. Je ne vais pas m’attarder sur les points négatifs que nous connaissons si bien : le manque d’infrastructures, la porosité de nos frontières, le problème de l’électricité et bien sur celui de l’eau qui, je l’ai appris avec plaisir, est en voie d’être résolu grâce aux initiatives telles que la station de potabilisation de la Mefou et autres projets analogues.

Selon mes interlocuteurs, tous ces obstacles ne sont pas insurmontables et de tout leur séjour ne s’avérèrent pas les plus insupportables :

« The worst is customer service. In Cameroon it is just a nightmare »  me confie Nelson, le chef de famille. D’après lui, très peu de Camerounais connaissent la valeur du service bien rendu et cette minorité la, il n’a pas eu le bonheur d’en rencontrer les membres. De la tristement célèbre caissière de la boulangerie Calafatas à la maussade consultante de l’agence Kenya Airways, en passant par le gérant d’hôtel « trois étoiles » qui s’adressait à lui affalé dans un fauteuil, les pieds sur la table de la réception, Nelson en a vu de toutes les couleurs. Sa fille me raconte ensuite l’histoire de cette serveuse dans un restaurant de la ville qui, alors qu’elle exigeait que le couvert d’une propreté douteuse mis à sa disposition soit remplacé, lui a demandé « Madame, vous voulez même montrer quoi? ».

« In conclusion, there is no value for money » reprend Nelson avant de s’expliquer posément : déjà que les billets d’avion lui ont couté les yeux de la tête, tout le monde essayait de se faire de l’argent sur son dos dès la seconde où l’on réalisait qu’il était étranger. Il dit avoir payé des prix exorbitants pour des chambres d’hôtel à la peinture écaillée et aux draps de lits tachés. Son épouse croyait avoir un peu de répit en se rendant à Buea, misant certainement sur la légendaire solidarité anglophone. Elle dut déchanter quand le chargeur du bus exigea une gratuité pour avoir mis sa valise près de la porte du véhicule au lieu de la fourrer à l’arrière comme toutes les autres.

Pour qu’une destination soit qualifiée de « touristique », il faut avant tout qu’elle possède un certain dégrée d’attraction ; attraction qui dans le cas de Yaoundé est notablement mise à mal par les comportements que je viens de décrire. Mais ce n’est pas tout…

La semaine dernière sur Twitter, j’ai eu le plaisir d’être taguée par @WilliamTakor, @Lesikanel, @Chouchouazonto et @AnneSimoneA dans divers articles vantant la beauté des paysages camerounais et les progrès exceptionnels de notre nation dans le domaine du tourisme. Pièces bien écrites, discours imagés aux accroches surfaites et fatigantes : « L’Afrique en miniature », « Toute l’Afrique dans un pays », « La ville aux sept collines vous fera rêver »… Regardons autour de nous, considérons le paysage touristique Africain un instant et nous comprendrons qu’il est plutôt temps de nous réveiller , temps d’arrêter de nous cacher derrière des surnoms vieux de plusieurs décennies et de commencer à promouvoir nos destinations de manière plus agressive et surtout plus créative.

Enfin, je ne sais pas pour vous, mais j’ai l’impression que notre stratégie touristique n’est en fait qu’un mix désordonné d’offres. Je m’explique : Yaoundé, Buea, Douala, bref le Cameroun est une offre, un produit intangible que nous essayons de vendre à des personnes qui parfois n’en n’ont jamais entendu parler, pourquoi devraient-elles donc nous croire sur parole ? A mon avis, l’objectif devrait être de créer une expectation dans l’esprit du voyageur, le faire fantasmer, il doit se demander « Qu’est ce que je n’ai pas vu en Afrique et que je verrai enfin au Cameroun ? ». Mais notre approche, presque toujours fondée sur le fameux « Afrique en miniature » oublie de s’attarder sur ce qui fait notre différence, qui nous rend unique. Les grandes destinations touristiques quant à elles ont pris le contrôle de leurs marques, elles ne laissent plus la masse les définir à leur place. Sur le plan international nous avons l’exemple de l’Afrique du Sud  avec son « It’s possible », de l’Inde («Incredible India ») ou même de l’Egypte («Where it all begins »). Ces pays ont un goût de mystère, et sans même les avoir visité, on s’attend à vivre des expériences uniques, notre voyageur se fait des films : « Je n’ai aucune limite à me fixer, il n’y a rien que l’on ne puisse faire en Afrique du Sud» ; «India is going to blow my mind away » ; « Mon aventure en terre Africaine serait incomplète si je ne visitais pas l’Egypte »…

Quelle est donc la marque du Cameroun ? Car c’est elle qui permettra de façonner les stratégies touristiques de la province du Centre, puis de la ville de Yaoundé et celles tout autour.  Recracher à chaque fois les mêmes itinéraires fades et monotones aux touristes, qui ne sont pas dupes, ne peut nous garantir de visites répétées. Proposons-leur un style de vie, une expérience Camerounaise originale et authentique ; ils adhéreront.

 

*UNWTO : Organisation Mondiale du Tourisme

**les slogans sus-cités ne constituent pas les marques de ces pays, mais en communiquent l’essence.

 

Photo Source: NoumbissShot

Comments



There are 2 comments

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  1. Jean-Louis (@Ntabo0)

    Great article! Je suis d’accord sur la majorité des points. Après avoir lu l’article de CNN je n’ai rien trouvé d’excitant, c’est à croire qu’il suffit qu’une “grande entité” mentionne un nom pour que les choses changent ou donne l’impression qu’il y ait du mouvement. Ce n’est pas toujours le cas. La promotion du Cameroun commence avec les Camerounais qui ne connaissent pas leur propre pays, so let’s start there.

    Le problème du customer service est quelque je chose que je deplore dans notre pays depuis des années, et je regrette de le dire, affecte en majorité les consommateurs à la peau noire. Nos amis qui sont clair avec un accent un peu compliqué ne se plaignent pas du service mais des prix; c’est à croire que qui dit peau blanche ou jaune (par jaune entendons Asiatique, pas les “là là là clair”) dit “touriste sot plein aux as”. Au dela de tout ca, Je pense que c’est de notre faute aussi, dans le sens ou certaines personnes confondent service et esclavage et parle au staff n’importe comment. Pour un bon service client, il faut que le client lui même ait l’etiquette appropriée. Et laissée la caissière de Calafatas tranquille lol


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