Réunification

La force du Cameroun ? 208 !

Hier, en regardant sur l’une des chaines télévisions nationales la retransmission en live des festivités liées au cinquantenaire à Buéa, nous avons eu un débat des plus intéressants. Autant vous le dire tout de suite : nous sommes un groupe de personnes du genre optimistes, qui avons tendance à voir le verre à moitié plein plutôt que vide. Chacun disait, de façon spontanée pourquoi il aime le Cameroun, au fur et à mesure que se déroulait le concert retransmis.

Le Cameroun n’est pas UN mais un ensemble. Cela ne s’est pas fait d’un claquement de doigts, loin de là. Si les plus âgés de l’assemblée ont reconnu que le tribalisme latent et rampant est un mal qui gangrène la bonne marche des affaires au pays, il faut reconnaitre quand même que ce n’est plus aussi flagrant qu’avant. On ne fera pas l’éloge des présidents et de nos héros nationaux ici – chacun l’est à sa manière-  mais plusieurs éléments sociaux et historiques y ont contribué.

D’abord, le discours de Son Excellence Biya qui a rendu hommage aux faiseurs de notre unité. Unité qui semble si fragile désormais, quand on sait ce qui se passe dans les pays voisins. Ce sont ces hommes (et les femmes aussi !!!) qui ont tous eu une vision d’un Cameroun unitaire sous une même bannière, un même hymne et une histoire convergente vers un seul point : l’unicité de l’entité culturelle camerounaise. En dehors des décisions  politiques et gouvernementales, chacun y a mis du sien. Oui, on est bien tombé d’accord dessus.

Nous avons déjà évoqué le fait que chacun de nous est un artisan de notre propre unité nationale. Si vous doutez un tant soit peu de la véracité de ces propos, penchez- vous sur le cas du mariage au Cameroun. Le mariage est l’élément, à notre avis, qui consolide ce sentiment d’appartenance à notre pays. On observe davantage de mariages intertribaux chez les Camerounais, au grand dépit des parents les plus conservateurs qu’ils soient. Personnellement, quand on me demande d’où je viens, j’ai du mal à définir : grand-père et (donc !) père yabassi, ma grand- mère est bamiléké, ma mère est Fong et bulu ET l’enfant que j’ai, est   yambassa et éwondo par sa mère tandis que j’ai toujours mon bagage culturel (Douala- Yabassi-Bamiléké- Bulu- Fong) que je vais veiller à lui léguer car c’est la seule richesse valable que je puisse léguer de façon durable. A l’allure où vont les choses, je sens qu’il ne manque plus que la touche septentrionale dans ma lignée plus un soupçon d’anglophone, et le tour sera joué comme on dit au pays.

En parlant des « anglo »… Nous les francophones leur avons toujours reproché de ne pas vouloir s’intégrer. Notre avis est que l’effort a été largement fourni par la partie anglophone dans la mesure où dans nos universités où on parle français,  les « anglo » ont vite fait de se fondre dans la masse en parlant, mieux que certains natifs francophones, la langue de Molière. La facilité vient du fait que dans leur culture, l’apprentissage est constant et surtout, il n’y a pas de honte à commettre des fautes. En plus, on se souvient de la fois où on découvre pour la première fois  la danse de l’éléphant. Vous ne savez pas ce que c’est ? Les Bakwéri vous en diront plus. Ce qu’il ne faut absolument pas perdre de vue, c’est que parler anglais, manger du eru avec le water fufu, par exemple, ne font pas forcément de vous un « anglo ». Il faut considérer que ce sont des peuples qui ont eu une autre forme de colonisation et c’est cela qui rend leur appréhension au Cameroun différente de celle du francophone de base. Le souci des anglophones est l’Egalité, qui reste à construire. Il s’agit de retirer aux personnes francophones ce faux sentiment de supériorité (due au nombre) sur les anglophones, une réappropriation de la conception de parité entre les deux langues officielles. Il faut, de façon obligatoire, quitter la logique de l’oppresseur et de l’opprimé. Cela ne ferait que nous enrichir davantage et cela nous est tout bénéfice, d’autant plus que ce qui nous a marqué davantage, est l’appropriation des danses de parts et d’autres du pays. Au Ballet Universitaire de Yaoundé I, vous verrez ce jeune homme du Sud trépigner au rythme du « manganbeu » ou de la danse Bafia, tandis que les danses de l’Est sont maitrisées par un ressortissant Bamoun… De quoi en avoir le tournis.

Ce métissage culturel se fait progressivement et de façon implacable de telle sorte que dans trois ou quatre générations, le processus aura atteint son apogée. Nous n’y pouvons rien, les langues maternelles habitent, cohabitent et vivent en bonne intelligence les une avec les autres, n’en déplaise aux farouches désabusés  et pessimistes. Lorsque votre enfant vous annonce qu’il s’en va prendre femme chez les Gizigah (Extrême- Nord) et que vous êtes Ntumu (Sud profond), souvenez – vous, avant de bondir, que tout Camerounais est partout chez lui au Cameroun. Et d’ailleurs, qui a dit que l’amour avait des frontières ? Tout commence par la tolérance et c’est connu : le Cameroun n’est pas à l’image de ces pays qui n’ont que deux langues maternelles. Deux peuples frères qui s’entretuent sur une simple mésentente. Au Cameroun,  on est au moins 208 dialectes. 208 tribus qui rendent les génocides et autres atrocités du genre quasi impossibles car chacune se bat pour sa propre survie et est tellement emmêlée aux autres que cela devient un vrai défi de se réclamer autre chose que 100 pur sang  Camerounais.

Ce sont ces 208 dialectes qui assurent à notre avis, l’un des piliers de la stabilité car peu importe où on se trouve au Cameroun, on est tenu d’en savoir davantage sur la culture de la région dans laquelle on vit. De plus les enfants, c’est-à-dire notre futur, sont bien décidés à prendre leur destinée en main. Autant se résigner tout de suite : le Cameroun, c’est un vrai patchwork culturel qui n’est pas prêt de perdre son attrait.

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