Woman_Alone

Ma vie avec les « envahisseurs »

Assise sur un banc près de la cuisine, elle se prend la tête entre les mains, certainement en se demandant comment elle a pu se retrouver dans un cauchemar pareil, entre les cris des enfants (qui comble du désagrément ne sont pas les siens), les causeries et les rires aux éclats de ces filles, de cette femme (ses « belle »-sœurs, et sa « belle »-mère), sa tête va exploser, elle ne sera jamais chez elle ici, ça au moins c’est sûr ! Lorsqu’elle a signé il y’a deux ans, pour le meilleur et pour le pire, elle ne s’attendait pas à ce que le pire soit si…pire !

Tout avait pourtant bien commencé, elle s’est mariée en grande pompe (défiant au passage ses copines qui se disaient plus belles qu’elles mais qui étaient encore en mode « viens on reste »), puis son époux et elle sont allés s’installer à Ebolowa où il travaillait. Là-bas dans leur petit appart, transformé en petit nid d’amour douillet, elle a su qu’elle avait eu raison de lui dire oui, elle a su qu’elle avait pris la bonne décision en décidant que « seule la mort les séparerait ».

Cette toile idyllique s’est déchirée en deux le jour où une affectation les a ramenés à Yaoundé. Elle avait des appréhensions, parce qu’elle savait que retourner à Yaoundé signifiait retourner vivre dans la maison que son époux avait fait construire pour sa famille ; SA FAMILLE, elle ne les connaissait pas vraiment, ils ne se fréquentent pas beaucoup, ce n’est pas l’amour fou. Mais désormais elle vivra avec eux H24, et elle est bien consciente que si à Ebolowa, son époux et elle ne se disputaient pas parce qu’ils trouvaient toujours un compromis, sans « parasites » dans les échanges, à Yaoundé les parasites ne vont pas manquer, l’offre est même supérieure à la demande ! Voyons voir, entre sa belle-mère, ses belles-sœurs (qui ont à peu près son âge en plus), ses beaux-frères, et leurs enfants, disons que le parasite va revêtir plusieurs formes et couleurs dans cette maison de Yaoundé. Elle a voulu esquiver le coup en suggérant qu’ils prennent un appart, tout ce qu’elle a reçu en guise de réponse c’est « j’ai construit cette maison pour y vivre », puis (nette amélioration) : « faisons d’abord comme ça chérie s’il te plaît».

Quelqu’un avait dit « me voici donc à Douala ! », elle a envie de dire « me voici donc à Yaoundé ! », si le gars de Douala parlait avec fierté, elle c’est la mort dans l’âme. Oui la voici donc à Yaoundé au milieu de tous ces visages étranges et étrangers, qui scrutent le moindre de ses gestes, se renseignent sur elle chez tout le monde sauf chez elle, tendent l’oreille lorsqu’elle reçoit de la visite, veulent savoir comment ça se fait que la sauce là soit si peu salée, ou mieux encore comment ça se fait qu’en deux ans même pas une fausse-couche ?

Concernant ce dernier point, vu le rythme auquel ses belles-sœurs procréent, même si elle-même fait l’ “économie” de l’utérus la famille là ne risque en tout cas pas de s’éteindre ça c’est sûr ! En plus avec tous ces enfants dont elles ont rempli la maison, elle se demande si les siens pourront s’épanouir, mais bref on en est même pas encore là… Elle commence à se dire que si elle avait un travail, le fait de sortir tous les matins allaient lui épargner la vue et l’ouïe de ces véritables envahisseurs, oui envahisseurs de son univers, envahisseurs de son conte de fée…

 

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